13/02/2024
Voté par le Parlement français en octobre 2023, une loi sur le dépistage systématique du CMV chez les femmes enceintes butte désormais sur le refus des instances françaises de santé. La détection de ce virus, responsable de surdité et de handicaps graves chez les enfants à naître, permettrait d’épargner des séquelles chez 40 à 5 000 nouveau-nés par an. Trop peu pour les uns, indispensable pour les autres.
La France aurait été le premier pays au monde à introduire le dépistage systématique du CMV chez les femmes enceintes dans sa politique de santé. Alors qu’une loi a été voté en octobre 2023 par l’Assemblée nationale, professeurs et institutions sanitaires mettent désormais en cause la pertinence d’une telle détection.
Le cytomégalovirus (CMV) est un virus très courant et presque toujours sans danger pour la plupart des personnes, à l’exception des femmes enceintes. Chez ces dernières, il peut se transmettre au fœtus et engendrer de graves troubles neurologiques ou d’audition chez l’enfant à naître.
L’infection à CMV est d’ailleurs la première cause de surdité non héréditaire chez les nouveau-nés.
Chaque année, selon les sources, on estime que 1 à 900 enfants sur 100 000 naissent en France avec un problème de santé lié au CMV. Les séquelles peuvent être modérées comme une surdité légère ou des troubles visuels, jusqu’à graves tels des troubles moteurs ou une surdité profonde.
Il n’existe pas encore de vaccin. Toutefois, le Valaciclovir est un traitement expérimental qui a fait l’objet d’études. Il permettrait de réduire de près de 70% le risque de transmission au fœtus lorsqu’il est administré dans les trois premiers mois de grossesse, d’où l’intérêt d’un dépistage systématique et précoce.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a introduit la possibilité de mettre en place un programme de dépistage systématique chez la femme enceinte, après un avis de la Haute Autorité de santé (HAS).
Cependant, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) s’est prononcé à nouveau contre un dépistage systématique du CMV dans un avis publié le 4 février, estimant notamment qu’aucun traitement n’est suffisamment efficace et que cela concerne trop peu d’enfant. « Cette situation est rare et concerne, en France, 1 à 6 pour 100 000 nouveau-nés. En cas d’infection fœtale, des complications peuvent survenir dans environ 10 à 18 % des cas (mort in utero, anomalies graves ou modérées comme des surdités). En termes de santé publique, l’impact de l’infection congénitale par le CMV peut être grave au niveau individuel mais de conséquences modestes à l’échelle populationnelle en termes de nombre. » explique le HCSP dans son communiqué. L’instance publique estime par ailleurs que les risques d’un traitement prolongé à forte dose par Valaciclovir sur le devenir du fœtus ne sont pas suffisamment connus.
La balle est désormais dans le camp de la HAS qui doit se prononcer bientôt sur l’opportunité d’un dépistage automatique ou non.
Benjamin Roussel
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